S’il y a une émission que je ne manque pour rien au monde chaque semaine c’est bien “Projection privée” de Michel Ciment.
(Pour les méditants bouddhistes qui viennent de passer 15 ans en retraite au coeur des chaînes himalayéennes, j’indique qu’il s’agit d’une émission de radio sur le cinéma, animée par le rédacteur en chef du très apprécié POSITIF. Pour les autres, je ne vous fais pas l’affront de vous donner ce type d’information. Pour les autres encore : vous n’êtes pas sur le bon blog …).
Ce samedi, Michel Ciment recevait Jacques Lassalle, et à cette occasion, ils ont cité Jean Renoir : “être original c’est tout faire pour être comme les autres et ne pas y parvenir”.
Ce à quoi Michel Ciment ajoute :”tant de gens essaye d’être différents des autres, … mais c’est artificiel. Vouloir être comme les autres et ne pas y parvenir … c’est vraiment le talent”.
Cette définition me plait assez en ce sens qu’elle définit l’originalité de façon non-positive, ce qui me semble correspondre à la réalité.
Un jour, il y a quelques années, j’ai eu une sorte de révélation. Je cherchais toujours à définir le talent comme quelque chose de positif : le talent c’est réussir à faire ceci, c’est être comme cela, ….
Mais en fait j’ai compris que le talent c’est ne pas imiter les autres. C’est tout. Et c’est énorme en même temps.
C’est juste exprimer quelque chose qui est déjà en vous. C’est votre nature. Il n’y a rien à “forcer”.
On pourrait décliner cette proposition de façon un peu plus détaillée : le talent c’est ne pas avoir besoin d’imiter les autres pour exister.
Alors bien sûr on peut commencer en imitant ceux que l’on admire mais tôt ou tard, votre nature va prendre le dessus.
Michel Ciment le dit très bien, vouloir “être original” c’est artificiel.
Il y a, avant même de commencer à faire quoi que ce soit, une notion d’ego (quand on veut absolument être original) qui décentre la personne de ce qu’elle est. (revoir à ce titre mon commentaire de L’art chevaleresque du tir à l’arc de Eugen Herrigel, sur la vision zen de ce “décentrage” de soi : ici).
A titre d’exemple, Michel Ciment illustre son propos en parlant de Kubrick qui essaye de faire du Brian de Palma avec THE SHINING, mais qui n’y arrive pas, puisqu’il n’arrive à faire “que” du Kubrick !
Pour résumer ma pensée, je dirai que l’on ne peut pas définir ce qui “fait” Nick Drake, par contre, on peut dire de façon certaine qu’il n’a pas fait du “sous-Bob Dylan” ou du “sous Beatles”.
http://www.youtube.com/watch?v=idcaRTg4-fM
http://www.franceculture.fr/emission-projection-privee-projection-privee-jacques-lassalle-2012-01-28